Asambleas Ciudadanos


 

Outils et méthodes

 

La dimension méthodologique est une dimension fondamentale des assemblées de citoyens. Vous trouverez dans cette rubrique des réflexions et d’autres éléments pour aborder les outils et les méthodes pouvant être mises au service des assemblées. Ils s’appuient sur l’expérience méthodologique de l’Alliance pour un monde responsable pluriel et solidaire. D’autres documents viendront compléter et enrichir progressivement cette bibliothèque méthodologique.

 

 

Citoyenneté et stratégie de changement

Traductions : français . Español . English


La citoyenneté et la démocratie impliquent que l’ensemble des membres d’une communauté puissent être associés à la construction de l’avenir et à la gestion de la cité donc, dans une période de mutation, aux stratégies de changement. Ces stratégies doivent en outre être adaptées à la complexité du monde donc en mesure de prendre en compte les interdépendances entre les sociétés et entre les problèmes.


Plus un monde est complexe, plus les liens entre les problèmes sont importants, moins il est facile de les aborder et de les résoudre séparément. Dans des situations complexes, la question est moins de choisir entre les solutions alternatives que d’être en mesure d’élaborer une solution satisfaisante. Et, dans une démocratie, cette élaboration doit pouvoir associer collectivement les citoyens.


C’est pourquoi la responsabilité politique se déplace. Elle se manifestait autrefois par la prise de décisions et par le choix entre solutions alternatives, selon le vieil adage « gouverner c’est choisir » . Elle s’exerce aujourd’hui principalement par l’organisation des processus d’analyse et de concertation permettant à la communauté d’élaborer une réflexion collective sur ses problèmes puis d’inventer des solutions adaptées.


Cela implique de nouveaux outils d’intelligence collective. La stratégie, pour une collectivité ou pour une entreprise consiste à mobiliser les énergies et les intelligences autour de quelques priorités communes. L’énoncé de ces priorités et la combinaison d’actions qui y concourent sont donc deux dimensions majeures de la responsabilité politique. Dans une démocratie, l’élaboration de ces stratégies suppose le concours de tous. Une véritable démocratie privilégie les démarches « de bas en haut » (bottom-up). A partir d’une vision et de perspectives énoncées de manière forte, souvent par quelques leaders capables de faire partager leur enthousiasme, la construction de stratégies démocratiques suppose d’énoncer les principaux défis, de partager les analyses et de déduire progressivement des axes stratégiques. Elle appelle des outils adaptés.


Le travail collectif entrepris par l’Alliance pour un Monde responsable, pluriel et solidaire depuis 1994 constitue un apprentissage de l’élaboration de telles stratégies collectives. Retraçons-en brièvement les étapes en nous attachant à la méthodologie et aux outils développés à son service.


1. Première étape : le diagnostic ; la Plate-forme pour un monde responsable, pluriel et solidaire


La Plate-forme met l’accent sur quatre idées principales dont l’énoncé constitue la première étape d’élaboration des stratégies de changement :


  1. il faut prendre en compte la diversité des points de vue et des situations ;
  2. les crises du monde actuel sont des crises des relations (entre les êtres humains, entre les sociétés, entre l’humanité et la biosphère) il faut donc reconstruire ces relations et en particulier élaborer des stratégies de changement qui les prennent en compte ;
  3. les mutations à venir concernent les différents domaines de l’activité humaine : notre manière de penser, de transmettre, de produire, de consommer, de nous gérer, d’utiliser les ressources naturelles ;
  4. les stratégies de changement sont nécessairement frontales : on ne peut envisager de simplement juxtaposer des stratégies dont l’une concernerait l’éducation, l’autre les systèmes de production et la dernière la gouvernance.

2. Deuxième étape : le partage des tâches d’analyse et de proposition


L’affirmation que tout se tient, que les problèmes sont liés entre eux peut vite conduire à l’impuissance, faute de trouver un moyen d’entrer en matière et de mobiliser des compétences plus spécialisées. De même l’affirmation de la diversité ne signifie pas que tout le monde doit travailler en permanence ensemble mais au contraire qu’il faut permettre à chaque point de vue de s’exprimer. La deuxième étape a donc visé à organiser le travail collectif et à partager les tâches pour permettre l’expression des différents points de vue.


La diversité des milieux sociaux et professionnels s’est manifestée par la constitution de « collèges » correspondant à différents milieux sociaux et professionnels dont le point de vue paraissait important. Les collèges sont parfois définis en termes de profession (chefs d’entreprise, paysans, militaires, élus locaux, etc), parfois en terme de position dans la société (jeunes, femmes, exclus, habitants des quartiers populaires des villes, etc).


La diversité des thèmes à aborder a fait l’objet d’une lente réflexion, de 1990 à 1997, pour définir les domaines sur lesquels il importait d’élaborer des stratégies de changement. Douze thèmes avaient été identifiés en 1991 (appelés « les douze travaux du groupe de Vézelay) : la conversion de l’armement, l’agriculture durable, l’ éducation, etc. En 1995 cette approche thématique a été systématisée et élargie, donnant lieu à ce qui fut appelé « la voie sectorielle de l’Alliance » . Les différentes activités humaines ont été passées en revue. Les changements à conduire ont été regroupés en dix chapitres puis en quatre pôles thématiques.


Une quarantaine de chantiers thématiques internationaux sont nés de cet effort de structuration. Ils sont regroupés dans les quatre pôles thématiques correspondant aux quatre grands champs d’activité humaine. Le pôle « représentation » couvre tout ce que les êtres humains ont dans la tête et se transmettent comme information, comme savoir, comme savoir-faire et comme représentation du monde (valeurs, éducation, science, technologie, culture, art, médias) ; le pôle « économie et société » couvre la manière dont les sociétés sont organisées et la manière dont elles produisent, consomment, échangent et se développent (organisation sociale et modes de vie, organisation spatiale, système de production, échanges, organisation des flux financiers) ; le pôle « gouvernance » couvre les régulations politiques et juridiques dont se dotent les sociétés à différents niveaux du local au global, (citoyenneté, politique, droit, gouvernance locale, état et regroupements régionaux, gouvernance mondiale) ; le pôle « biosphère » couvre l’ensemble des relations entre l’humanité et le reste de la biosphère (en particulier l’eau, les sols, l’énergie, le climat, la gestion des écosystèmes).


Ce mode de découpage a le mérite d’imposer une approche systématique et de mobiliser autour de chaque thème des connaissances spécialisées. Il peut avoir l’inconvénient d’enfermer la réflexion dans chaque domaine spécialisé et d’aboutir à une juxtaposition de stratégies sans lien entre elles.


3. Troisième étape : l’élaboration des cahiers de propositions et leur expression cartographique


Dès 1996, la nécessité de croiser les différentes approches collégiales et thématiques s’est imposée à nous. Restait à trouver les moyens concrets d’assurer ce croisement. Nous avons adopté une démarche méthodologique qui amène chaque chantier thématique à prendre en considération dans son approche les autres dimensions de l’activité humaine et chaque collège socioprofessionnel à aborder dans sa réflexion non seulement ce qui lui est le plus familier mais aussi les autres dimensions de l’activité humaine.


Pour cela, nous avons progressivement adopté une démarche cartographique. Chantiers et collèges ont été invités à visualiser leurs analyses et leurs propositions par une carte dans laquelle leur préoccupation principale, objet de leur travail, est mise au centre et les différents domaines de l’activité humaine, classés selon les quatre pôles thématiques, mis en périphérie. De la sorte, les propositions mettent en évidence les liens entre domaines de l’activité humaine : entre l’éthique et la gouvernance, entre les systèmes de production et la gestion des écosystèmes, entre l’organisation sociale et l’éducation, etc.


4. Quatrième étape : le rapprochement des propositions concernant un même domaine de l’activité humaine


La procédure adoptée pour amener chaque collège et chantier à prendre en compte dans ses propositions les relations avec d’autres thèmes a conduit, par construction, à ce que la plupart d’entre eux s’exprime sur un grand nombre de sujets. Nous disposons donc du regard porté sur un même secteur de l’activité humaine par plusieurs collèges et chantiers thématiques.


L’étape suivante est donc tout naturellement de regarder comment des milliers de personnes regroupées au sein de soixante collèges et chantiers ont été amenées à faire des propositions sur le même thème. Le nombre de chantiers et collèges ne permet pas de représenter l’ensemble des propositions sur une seule carte. Nous avons donc adopté une présentation distinguant cinq familles de propositions : celles qui émanent des vingt collèges ; celles qui émanent des chantiers thématiques du pôle « représentation » ; celles qui émanent du pôle thématique « économie et société » ; celles qui émanent du pôle thématique « gouvernance » ; celles enfin qui émanent du pôle thématique « humanité et biosphère » .


5. Cinquième étape : le regroupement des propositions autour d’axes stratégiques


Les soixante chantiers et collèges ont produit ensemble environ mille cinq cent propositions. Mille cinq cent propositions ne font pas une stratégie. Elles peuvent au contraire exprimer une dispersion irréductible des points de vue. En réalité, une observation, même superficielle, des cartes montre d’innombrables répétitions. Ce sont précisément ces répétitions qui sont intéressantes, qui montrent qu’une approche stratégique est possible et que des convergences, parfois inattendues peuvent, se révéler. Des milieux que tout sépare en apparence peuvent aboutir à une vision voisine des stratégies de changement.


En raison de leur proximité ou de leur similitude, les propositions des uns et des autres peuvent donc être regroupées. L’intérêt de l’approche cartographique est de donner à cette activité de synthèse une totale transparence.


Pour que ce regroupement autour d’axes stratégiques communs soit fécond, il faut en outre qu’autour d’une même priorité, définie par l’énoncé de l’axe stratégique, on voie apparaître sur quoi portent et d’où proviennent les différentes propositions regroupées autour de cet axe.


Pour y parvenir, la procédure est la suivante :


  • Tâche 1 : Regrouper au sein de chaque secteur de l’activité humaine les propositions apparentées. Dans chaque secteur de l’activité humaine (les vingt secteurs des cartes des chantiers et collèges) on effectue le regroupement des propositions énoncées. La procédure consiste à examiner les propositions une à une, à voir en quoi elles se distinguent l’une de l’autre à repérer les similitudes et liens de parenté, à nommer les regroupements au fur et à mesure qu’ils apparaissent. En fait, les répétitions apparaissent rapidement et les regroupements se font assez naturellement. Il reste ensuite, lorsque ce regroupement spontané aboutit à un trop grand nombre de catégories, d’essayer de rapprocher certains sous-groupes entre eux. Ce premier travail donne des axes relatifs à un secteur.
  • Tâche 2 : Regrouper les axes stratégiques au sein d’un même pôle thématique. Entre les secteurs d’un même pôle thématique, il arrive que les regroupements soient très voisins. Par exemple dans le domaine de la gouvernance, qu’il s’agisse de la citoyenneté, de la politique, du droit, de la gouvernance locale, de l’état, des regroupements régionaux ou de la gouvernance mondiale, on découvre que les mêmes catégories sont apparues. Il n’y a pas un axe stratégique pour la gouvernance mondiale et un autre pour la gouvernance locale, un axe stratégique pour la citoyenneté et un autre pour le droit mais plutôt des axes stratégiques communs à ces différents secteurs. C’est ce qui est illustré dans le texte ci-joint.
  • Tâche 3 : Confronter les axes stratégiques identifiés dans chacun des quatre pôles thématiques. A l’issue de l’étape précédente, nous disposons de l’énoncé d’axes stratégiques relatifs à chacun des pôles. A nouveau, des similitudes évidentes apparaissent entre des axes identifiés dans des pôles différents. C’est le cas notamment pour certains axes stratégiques identifiés à partir du pôle « économie et société » et à partir du pôle « gouvernance » . L’examen des cartes établies pour chacun des axes stratégiques montre à nouveau qu’il s’agit d’un seul et même axe, décliné dans des domaines différents. Ces axes stratégiques similaires se regroupent donc tout naturellement pour former des cartes complètes. On aboutit ainsi à une vingtaine d’axes stratégiques, chacun regroupant un ensemble de propositions prises dans les différents domaines de l’activité humaine (voir tableau en annexe).
  • Tâche 4 : Reformuler les propositions contenues dans des axes stratégiques. L’exercice de l’étape précédente révèle tous les défauts énoncés initiaux des propositions. Une proposition qui était compréhensible tant qu’elle était située dans le contexte du chantier ou du collège qui lui a donné naissance, devient incompréhensible lorsqu’on l’extrait de son contexte : l’énoncé est alors trop vague pour être porteur d’informations. Il faut donc corriger les énoncés pour parvenir à des cartes d’axes stratégiques immédiatement lisibles.
  • Tâche 5 : Rattacher les propositions d’un axe stratégique aux chantiers et collèges d’où elles sont issues. La dernière étape consiste à mettre en évidence, pour un axe stratégique donné, les chantiers et collèges d’où sont issues les propositions qui font partie de cet axe stratégique.
  • Tâche 6 : Détailler les propositions relatives à un axe stratégique.En faisant correspondre à chaque énoncé de proposition le texte du cahier de propositions dans lequel elle est détaillée, on passe de l’énoncé sommaire d’une proposition à sa description complète. On constitue ainsi de manière systématique les éléments d’un plan d’action regroupant, pour un axe stratégique donné, l’ensemble des propositions détaillées.


 

 

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