Présentation du processus
L’Assemblée malienne des citoyens, est un processus qui a pour objet de faire émerger à partir de différents milieux culturels et socioprofessionnels et à toutes les échelles territoriales du pays, en partant du niveau local, une vision partagée de la crise qui freine les évolutions de notre pays et des perspectives de sortie en terme de priorités et de stratégies communes.
1.Des défis qui interpellent
2.De la construction des espaces de dialogue à la construction de perspectives
3.Les objectifs et les résultats attendus
4.La méthodologie de mise en œuvre
5.La capitalisation de la première phase (locale)
6.Qui organisent le processus de l’Assemblée malienne des citoyens ?
1.Des défis qui interpellent
Au regard de l’évolution de nos sociétés, au Mali et ailleurs en Afrique, l’évidence d’une crise dans tous les domaines (social, politique, économique, culturel, etc.) est indéniable. Les réformes politiques, institutionnelles et économiques amorcées depuis le début des années 1990 dans bien des pays du continent sont loin d’être des réponses à la crise qui s’installe et à laquelle fait face les populations. Le monopole de l’Etat et de son administration sur l’action publique à travers la verticalisation de l’offre du développement a eu des conséquences néfastes sur les dynamiques locales.
Les défis internes et externes auxquels font nos sociétés sont énormes et pluriels après cinquante (50) années d’indépendance. Les choix opérés d’en « haut » par les gouvernants des différentes époques ou encore les conditionnalités de liées à l’aide et la prépondérance des logiques du développement par le haut peuvent être retenus comme des raisons de la crise qui s’installe et qui perdurent.
En outre, le constat actuel de la situation du Mali est amer et inquiétante. Elle se caractérise par les principaux aspects suivants :
Plus d’un siècle d’autoritarisme politique, administratif et économique, mis en place par le pouvoir colonial et entretenu, malgré l’indépendance, par un Etat paternaliste et centralisateur, a érigé des handicaps qui sont autant de difficultés auxquelles les populations maliennes doivent faire face ;
Des communautés rurales et urbaines au sein desquelles les modalités de régulation des conflits ne fonctionnent plus et qui s’installent dans des crises de mutation qui n’en finissent pas.
La paupérisation, la compétition pour l’accès aux ressources foncières et financières et les inégalités qui s’étendent à mesure que les ressources naturelles se dégradent ;
Des jeunes qui désespèrent et cherchent en conséquence leur salut hors du pays et du continent au péril de leur vie ;
Une population qui s’urbanise à grande vitesse dans des villes qui sont de moins en moins gérables ;
Une économie qui s’installe de plus en plus dans l’informel.
Enfin, un Etat et des institutions publiques dépendants des ressources extérieures et qui éprouvent beaucoup de mal à maîtriser la gestion de l’espace public.
Les défis auxquels font face les populations concernent l’ensemble des couches sociales (hommes, femmes, jeunes), les échelles de développement territorial, et les couches socioprofessionnels. Pour inverser les tendances en cours, au moment où de plus en plus d’acteurs s’enferment dans des stratégies de survie individuelle et de repli identitaire, « une Assemblée malienne des citoyens », peut permettre d’élaborer une vision collective partagée de l’avenir de notre pays. Ce processus de concertation ascendant qui part de l’expérience des acteurs, de leur valeurs sociétales, des engagements qu’ils prennent, etc. permettra d’esquisser les stratégies à mettre en œuvre pour sortir de l’impasse.
2.De la construction des espaces de dialogue à la construction de perspectives
L’Assemblée malienne des citoyens est un processus de construction collectif ouvert et participatif dans lequel se noue des relations de dialogue, d’échange et de coopération entre les acteurs locaux d’une même commune, d’une même région et du pays. Les relations sont sans hiérarchie et animées par une éthique et une aspiration communes celles de Bâtir le Mali à partir des perspectives locales. Pour y aboutir la démarche contribue à l’animation des espaces de dialogue sur les défis communs dans les différents espaces géoculturels du pays en vue de partager, de discuter et de mutualiser les expériences diverses des acteurs.
Pour se faire, l’Assemblée malienne des citoyens mobilise plusieurs acteurs de différents registres que sont : les chefs religieux et coutumiers, les personnalités politiques, les responsables d’entreprises, les producteurs ruraux et urbains, les militants associatifs et syndicaux, les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les artistes, les fonctionnaires, etc. La participation de ces différents acteurs aux débats devra aboutir à un diagnostic partagé et à la construction de propositions et de stratégies de changement consensuelles.
3.Les objectifs et les résultats attendus
Le processus de l’Assemblée malienne des citoyens ambitionne de mettre en dialogue les perspectives des diverses couches socioculturelles et professionnelles du pays pour faire émerger des priorités et surtout des stratégies concertées qui permettront de jeter les fondements de la construction d’un projet collectif dans lequel chaque malien se reconnaitra.
Les résultats attendus de ce processus sont :
l’identification des valeurs, des défis et des engagements communs qui fondent la volonté du vivre ensemble des populations maliennes ;
l’élaboration des principales mutations que les populations attendent ;
la construction de perspectives communes pour un développement qui respectent la diversité géographique et socioprofessionnelle des situations et des points de vue des acteurs.
L’Assemblée malienne des citoyens, qui ambitionne la formulation d’un projet collectif pour des nouvelles perspectives se déroulera sur plusieurs semaines et en trois étapes (cercle, région et national).
A la fin du processus les produits attendus sont :
un cahier de propositions pour chaque cercle retenu ;
un cahier de propositions pour chacune des régions et du District de Bamako ;
une synthèse nationale qui s’intitulera : « Bâtir le Mali à partir des perspectives locales ».
4.La méthodologie de mise en œuvre
Le niveau local constituant l’échelle le plus pertinent pour amorcer la mise en place d’une gouvernance locale légitime, le processus de l’Assemblée malienne des citoyens démarrera par le niveau de la commune et remontera jusqu’au niveau national en passant par le niveau régional :
L’exercice concernera 48 Communes dans 22 des 46 Cercles dans toutes les 8 Régions du pays et dans le District de Bamako. En ce qui concerne le District de Bamako, l’exercice concernera toutes les 6 communes. La proportion des communes rurales et des communes urbaines a été déterminée en tenant compte des caractéristiques sociologiques, démographiques et culturelles de chaque Cercle. Le croisement des différentes aires culturelles du pays avec l’organisation administrative a permis de retenir cet échantillon de cercles et de communes.
Le processus de l’Assemblée des citoyens du Mali se déroulera à partir des rencontres et des ateliers à travers les phases suivantes :
- 1er phase : niveau local (les rencontres communales et cercles)
Cette phase se déroule d’abord dans les communes, ensuite elle est clôturée au niveau du cercle à travers une analyse transversale des paroles communales. Le nombre de participants par Cercle varie en fonction du nombre de commune retenu dans chaque cercle : 30 à12 personnes. Durée des rencontres : 1 jour pour chaque rencontre communale et cercle.
- 2ième phase : niveau régional
L’approche collégiale et l’approche thématique sont prises en compte en incluant la première dans le choix des acteurs thématiques. Le caractère inter local des enjeux du développement régional milite fortement pour que des acteurs institutionnels (les politiques et les administratifs) soient associés à l’élaboration des cahiers régionaux, notamment en fonction de chaque thématique. Nombre de participants par Région :
Groupes constitués : 50 personnes ; Comités de propositions des Cercles : 3 membres des Comités de propositions issus de chaque Cercle retenu ; Durée de la rencontre : 2 jours (avec des ateliers thématiques qui réuniront chacun la plus diversité d’acteurs possible) ; Pour le District de Bamako : représentants des communes : 60 personnes (10 X 6) ; Groupes constitués : 50 personnes.
- 3ième phase : niveau national
La rencontre nationale regroupera les délégués des comités nationaux socioprofessionnels et des groupes thématiques nationaux. Sur la base des diagnostiques et propositions issues des rencontres régionales, une analyse transversale préalable à la rencontre nationale permettra d’organiser des ateliers thématiques réunissant la plus grande diversité d’acteurs possible. De cette rencontre nationale sortira le document national qui s’appellera « Bâtir le Mali à partir des perspectives locales » ; Nombre de participants à la rencontre nationale : Groupes constitués au niveau national : 100 personnes (20 X 5)
Délégués des régions : 27 personnes (3 X 9) ; Durée de la rencontre nationale : 2 jours, (1 jour pour les ateliers thématiques et 1 jour pour la rencontre nationale).
- 4ième phase : la restitution du document au niveau cercle ; une phase de retour du document national « Bâtir le Mali à partir des perspectives locales » au niveau des cercles est proposée pour une restitution aux acteurs locaux afin d’en assurer la validation et l’appropriation locale.
- 5ième phase : la restitution du document au niveau national
Après la restitution du document au niveau des cercles, une phase de restitution sera organisée au niveau national. La restitution du document au niveau national réunira les acteurs du district et des régions.
5.La capitalisation de la première phase (locale)
La première étape du processus a commencé dans les régions de Sikasso et de Ségou, du 02 au 17 septembre 2009 pour se poursuivre dans les régions de Koulikoro et de Kayes et s’est tenue du 10 au 20 décembre 2009. Au total vingt quatre (24) communes et douze cercles (12) ont été déjà couverts. Les activités de terrain ont été conduites par deux équipes de terrain composées comme suit : un superviseur, un chef d’équipe, et deux preneurs de notes. Les membres des équipes ont été formés à l’utilisation de l’outil desmodo1.
Lors des rencontres, il a été noté l’engouement, l’enthousiasme et l’engagement des populations à participer au processus, ce qui a contribué à une large mobilisation autour de l’initiative. Près de mille (1000) délégués représentant les autorités coutumières et religieuses, les autorités administratives, les associations et organisations socioprofessionnelles répondant à l’organisation administrative et aux logiques géoculturelles des communes et des cercles ont directement participé aux assemblées communales et cercles. Au cours des deux premières étapes qui se sont déroulées dans les régions de : Sikasso, Ségou, Kayes et Koulikoro, douze Cahiers de propositions, une pour chaque cercle ont été produits. Les documents issus des rencontres sont des diagnostics des défis locaux en termes de constats et d’enjeux, de valeurs sociales, de propositions et d’hypothèses de stratégies de changement (actions ou recherches à mener ou à approfondir, types de partenariats à construire, etc.) et des perspectives pour la construction d’un projet collectif.
Résumé de l’analyse transversale des débats : les valeurs
Pour les populations, il y a nécessité à prendre en compte les valeurs et les principes fondamentaux de l’organisation des sociétés. En réalité la mise sous le « boisseau » des valeurs de solidarité, du respect du bien commun, de l’équité, etc. est pour les populations sources de dérives multiples. Cela rend compte de l’échec des politiques de développement et des reformes entreprises qui sont confrontés aux usages diverses.
L’engagement des populations
L’engagement des populations pour le développement de leur collectivité s’est fortement exprimé lors des assemblées. Au regard de la lecture transversale, on peut citer les engagements suivants :
La participation à la gestion de l’espace public, notamment à travers l’appui à la gestion des affaires publiques communales et cercles ; le payement des impôts ; l’interpellation des élus face à la gestion des affaires publiques ; la participation aux comptes – rendus public, etc.
L’engagement au respect des valeurs sociétales, comme base de construction des perspectives, de la gestion des affaires publiques, et des relations sociales afin de garantir la transparence et le respect du bien commun.
L’engagement participatif, pour l’accompagnement et la mise en œuvre des actions de développement local,
La promotion de l’intercommunalité et le développement des partenariats.
Défis
Malgré les efforts multiples entrepris par les autorités, aussi bien que par la société civile à travers les organismes de développement, il en ressort une certaine persistance qui se traduit par des défis qui restent sans réponses adéquates :
La délivrance des services publics de base dans le cadre de la décentralisation - traduit l’inadéquation et l’inefficience de l’offre : soins de santé, coût élevé des prestations, etc.
L’incohérence des formations scolaires et universitaires avec la demande du marché de travail,
La faible compréhension et la faible maîtrise des enjeux de la démocratie – enracinement des valeurs démocratiques, des modes d’organisation – d’administration du pays et des collectivités locales
La faiblesse des opportunités privées de valorisation des productions locales dues au manque de politique publique qui vise la valorisation du secteur informel.
Propositions et stratégies
Les propositions et stratégies déclinent les grandes articulations à partir desquelles on peut construire à travers la mise en relief des valeurs comme paradigme au changement :
Une augmentation du nombre de centres de santé, la dotation des centres de santé en matériel et en personnel qualifié, la dotation des centres de santé de moyens d’évacuation des malades (une ambulance par commune) et la valorisation de la mutualité en santé ;
Le recrutement des professionnels de l’enseignement, le renforcement de la formation continue des enseignants, l’adéquation des programmes de formation avec les besoins du marché, l’augmentation des infrastructures scolaires et l’adoption des méthodes et approches pédagogiques appropriées ;
Favoriser une large compréhension de la démocratie et des enjeux liés aux réformes politiques en cours ;
La légitimité des autorités traditionnelles constitue un moyen efficace afin de redynamiser les lieux de socialisation, pour ce faire il doit y avoir un renforcement de leurs capacités à travers des formations sur les enjeux de la décentralisation, de la démocratie, etc.
6.Qui organisent le processus de l’Assemblée malienne des citoyens ?
L’Assemblée malienne des citoyens est piloté par le Centre Djoliba avec l’appui méthodologique de l’Alliance malienne pour refonder la gouvernance en Afrique (ARGA/ Mali) et reçois un appui technique et financier de la part de la Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH).
Le Centre DJOLIBA est une association de droit national malien créée en 1964, reconnue et enregistrée le 22 février 1992 sous le récépissé n°147/MAT/DNAT. Il vise le renforcement des capacités de la société civile au Mali et en Afrique pour la promotion de la justice, la démocratie, la paix, le développement économique, social et culturel à travers l’information, la formation, la documentation, la capitalisation, la publication et la réflexion.
L’Alliance malienne pour refonder la gouvernance en Afrique (ARAGA/ Mali) est un réseau de dialogue qui réuni les acteurs maliens ou non, les organisations et personnes ressources afin de débattre des questions de gouvernance au Mali et en Afrique. Créer en le 01 Novembre 2008 et reconnue sous le sigle : ARGA/ Mali, l’Alliance malienne pour refonder la gouvernance en Afrique a obtenu son récépissé le 10 Décembre 2008 sous le N°246/MATCL-DNI. Son but est de créer un espace d’échange et d’expérimentation des initiatives émanant des organisations de la société civile pour instaurer une gouvernance démocratique en Afrique.
La Fondation pour le Progrès de l’Homme, est une fondation indépendante de droit suisse.