I. LE CONTEXTE ET LA JUSTIFICATION
En vue de faire face aux multiples défis internes et externes qui l’interpellent, notre pays, le Mali, ne manque pas d’atouts. Une population en majorité jeune et ouverte sur le monde, un potentiel important en ressources naturelles (ressources minières, végétales et hydriques), un patrimoine culturel d’une grande diversité et un capital social toujours solide. Toute cette richesse physique et humaine fait que le pays ne mérite pas d’être considéré par les maliens comme pays pauvre. Notre pays connaît certes des difficultés dont les causes sont connues et qui peuvent être levées par la mobilisation de l’ensemble des filles et des fils du pays.
Plus d’un siècle d’autoritarisme politique et économique, mis en place par le pouvoir colonial et qui est entretenu malgré l’indépendance par un Etat paternaliste et centralisateur, a érigé des handicaps qui sont autant de difficultés auxquelles les populations maliennes doivent faire face. Des communautés rurales et urbaines dont les modes de régulation des conflits ne fonctionnent plus et qui s’installent dans des crises qui ne finissent pas. La pauvreté, la compétition pour l’accès et les inégalités s’étendent à mesure que les ressources naturelles se dégradent. Des jeunes qui désespèrent et cherchent en conséquence le salut hors du pays au péril de leur vie. Une population qui s’urbanise à grande vitesse dans des villes qui ne sont de moins en moins gérables. Une économie réelle qui s’installe dans l’informel. Enfin, un Etat et des institutions publiques qui ont du mal à gérer l’espace public.
Quelles raisons peut-on donner à ce paradoxe ? Une des premières qui induit toutes les autres est que de l’indépendance à nos jours, soit plus d’un demi-siècle, la prise d’initiatives pour le devenir du pays a été presque du domaine exclusif de l’Etat et de son administration. Les objectifs de développement, les stratégies et les moyens nécessaires à leur réalisation ont été identifiés de façon très bureaucratique, sous la surveillance des bailleurs de fonds desquels nous dépendons pour les ressources financières. Les autres acteurs économiques et sociaux soit l’immense majorité des maliennes et des maliens ont, de ce fait, été installés dans un attentisme suicidaire et dans l’illusion que notre salut ne peut venir que de l’aide de la communauté internationale. L’Etat, en s’appuyant sur des institutions en décalage total avec le vécu quotidien et les références des populations, s’est longtemps comporté comme l’unique acteur et moteur du développement. Les difficultés de mobilisation des ressources nationales auxquelles ils sont confrontés ont conduit les pouvoirs publics à s’orienter exclusivement sur la quête de ressources extérieures qui ne s’inscrivent pas toujours dans le cadre des objectifs nationaux. De plus en plus de maliens sont convaincus que nous étions installés dans une espèce de voie sans issue, donc dans une impasse.
Les changements intervenus depuis les événements du 26 mars 1991, avec l’initiation, d’importantes réformes politiques, institutionnelles et économiques, ont ouvert de nouvelles perspectives qui peuvent aider à sortir le pays de cette impasse. La mondialisation, l’interdépendance croissante entre les pays d’une même région et l’émergence des nouvelles collectivités locales décentralisées nécessitent une définition de nouvelles modalités de gestion publique.
Au constat des interdépendances évidentes qui se mettent progressivement en place aux différentes échelles (du local au mondial), il faut définir de nouvelles modalités du partenariat entre les acteurs qui interviennent dans la gestion publique. Pour inverser les tendances en cours, au moment où de plus en plus d’acteurs s’enferment dans des stratégies de survie individuelle et de le repli identitaire, une assemblée malienne des citoyens pour « un nouveau départ » peut permettre d’élaborer une vision collective de l’avenir de notre pays et d’esquisser ensemble les stratégies à mettre en œuvre pour sa réalisation ; car aucune difficulté ne résiste face à un peuple qui se met débout et en marche.
II. L’OBJECTIF ET LES RÉSULTATS ATTENDUS
L’objectif de l’assemblée malienne des citoyens est de faire émerger à partir des différents milieux socioprofessionnels et à toutes les échelles du pays en partant des communes, une vision partagée de la crise qui bloque les évolutions dans notre pays et des perspectives de sortie. Ce processus ambitionne surtout de mettre en dialogue les perspectives des diverses couches socioculturelles et professionnelles du Mali pour faire émerger des priorités et des stratégies communes.
Les résultats attendus de ce processus sont :
- l’identification des valeurs, des intérêts, des défis et des engagements communs qui fondent la volonté du vivre ensemble des populations maliennes.
- l’identification des principales mutations qu’attendent les maliens
- la construction de perspectives communes pour le développement qui respecte la diversité géographique et socioprofessionnelle des situations et des points de vue des acteurs.
L’assemblée malienne des citoyens qui, ambitionne la formulation d’un projet collectif pour des nouvelles perspectives en partant du local, est un processus qui concernera toutes les catégorie d’acteurs socioprofessionnels, à toutes les échelles du territoire (de la commune au niveau national) et s’étalera sur plusieurs semaines.
À la fin du processus de l’assemblée des citoyens, les produits attendus sont :
- un cahier de propositions pour chaque cercle
- un cahier régional de propositions pour chaque région
- un Document national « Bâtir le Mali à partir des perspectives locales »
III. LA METHODOLOGIE DE MISE EN ŒUVRE
La superficie du Mali (1.240.000 Km2) et la dispersion de ses populations ne permettant pas de travailler dans toutes les communes et toutes les cercles du pays, l’assemblée malienne des citoyens mobilisera cependant un échantillon d’acteurs de toutes les catégories socioprofessionnelles dans toutes les régions et le District de Bamako. La mobilisation commencera au niveau de la commune en remontant jusqu’au niveau national. Pour éviter de s’enfermer dans le cadre étroit des frontières actuelles du pays qui a plusieurs types de liens avec l’extérieur, une réflexion complémentaire sera conduite sur les relations du Mali avec ses voisins et les autres pays de l’Afrique et des autres continents.
L’exercice concernera environ un échantillon de 4 à 8 Communes dans 35 des 46 Cercles dans toutes les 8 Régions du pays. En ce qui concerne le District de Bamako, l’exercice concernera toutes les 6 communes. La proportion de communes rurales et de communes urbaines a été déterminée en tenant compte des caractéristiques socio-démo-culturelles de chaque Cercle. Le croisement des différentes aires culturelles du pays avec l’organisation administrative a permis de retenir un échantillon de cercles et de communes.
Tableau du nombre de cercles et de communes retenus par régions et la population concernée par l’exercice
Région |
Nombre de cercles |
Nombre de communes |
Population concernée |
Kayes |
5 |
22 |
|
Koulikoro |
5 |
23 |
|
Sikasso |
5 |
25 |
|
Ségou |
6 |
28 |
|
Mopti |
5 |
28 |
|
Tombouctou |
4 |
21 |
|
Gao |
4 |
16 |
|
Kidal |
1 |
6 |
|
Bamako |
- |
6 |
|
Total |
35 |
165 |
|
Le processus de l’Assemblée des citoyens du Mali se déroulera suivant les étapes suivantes :
❖ 1er étape : au niveau des cercles
Dans chaque cercle sera constitué un collège local. Ce collège comprenant 3 délégués (un homme, une femme et un jeune) venant de chacune des communes retenues, discutera et se mettra d’accord sur leurs valeurs et leurs engagements pour l’avenir. Les 3 délégués par communes seront choisis en fonction de leur représentativité dans la commune. Dans ce groupe qui aura travaillé au niveau cercle, un comité de propositions de 5 personnes identifiées en raison de leur engagement au cours des discussions sera chargé de rédiger un Cahier de Propositions (CP) du cercle. Dans ce cahier, en s’appuyant sur les valeurs et les engagements dégagés par acteurs du cercle, le comité ressortira, les priorités définies pour le cercle et les mutations que ces dernières impliquent.
Nombre de participants par Cercle : 12 à 24 personnes
Durée de la rencontre : 2 jours (1 jour pour la rencontre du collège et 1 jour pour la rencontre du Comité de propositions)
Chaque rencontre dans les cercles aura un modérateur et 2 rapporteurs. Le modérateur sera choisi dans le cercle et les rapporteurs seront des étudiants retenus au niveau d’une université de Bamako et qui recevront une formation spécifique.
❖ 2e étape : au niveau régional
Dans chaque région, 5 groupes socioprofessionnels de 5 personnes (25 personnes au total) et 5 groupes thématiques de 5 personnes (25 personnes au total) seront construits. Le profil de ces groupes sera identifié en fonction du profil propre à chaque région.
Chaque groupe socioprofessionnel produira un Cahier de Propositions (CP) portant sur ses attentes, ses responsabilités, quelles contributions le groupe pense pouvoir apporter pour le changement dans la région ? Et quelles sont ses propositions ?
Les groupes thématiques quant à eux produiront chacun un document thématique dans lequel ils identifieront les défis, les perspectives à moyen et long terme et les priorités liées à leur thème. Il sera demandé à chaque groupe thématique de faire des propositions pour le court, moyen et long terme.
Les cercles retenus par région seront représentés chacun par les 5 membres du comité de propositions.
Les délégués des comités de propositions des cercles, les membres des groupes socioprofessionnels et des groupes thématiques élaboreront ensemble au cours d’une rencontre régionale un cahier régional de propositions. Ce cahier présentera les attentes, défis et les perspectives de chaque région. Dans ce cahier, il sera aussi présenté les propositions et les contributions que les acteurs de la région pensent pouvoir apporter pour la réalisation des propositions.
À Bamako, chacune des 6 communes retenues sera représentée par 10 délégués. Dans le District de Bamako, comme dans les régions, les groupes socioprofessionnels et les groupes thématiques seront mis en place et produiront chacun leur document. Un cahier de Bamako sera élaboré pour le District.
Nombre de participants par Région :
- Groupes socioprofessionnels : 25 personnes
- Groupes thématiques : 25 personnes
- Comités de propositions des Cercles : 20 à 30 selon les régions (sauf Kidal qui a 5)
Durée de la rencontre : 2 jours (1 jour pour la rencontre des groupes et 1 jour pour la rencontre régionale)
Pour le District de Bamako :
- Représentants des communes 60 personnes
- Groupes socioprofessionnels : 25 personnes
- Groupes thématiques : 25 personnes
La rencontre du District de Bamako aura la même durée que les régions.
Les rencontres des groupes et des comités de propositions auront chacune un modérateur et 2 rapporteurs. Un modérateur et 2 rapporteur seront choisis pour la rencontre régionale.
❖ 3e étape : au niveau national
Pour la rencontre nationale, cinq comités nationaux socioprofessionnels de 9 membres chacun seront construits à partir des 5 groupes socioprofessionnels mis en place dans les régions et le District de Bamako. Chaque comité national socioprofessionnel élaborera son Cahier de Proposition.
Les 5 groupes thématiques régionaux seront regroupés en groupes thématiques nationaux de 9 membres chacun. Au niveau national, 2 ou 3 groupes thématiques pourraient être identifiés en plus. Chaque groupe thématique national élaborera son document de diagnostic, de perspectives et de propositions.
Une rencontre nationale regroupera les délégués des comités nationaux socioprofessionnels et des groupes thématiques nationaux. Les régions et le District de Bamako seront chacun représentés par 3 délégués régionaux qui viendront avec leur cahier régional. De cette rencontre nationale sortira document national que l’on pourra appeler « Bâtir le Mali à partir des perspectives locales ».
Nombre de participants à la rencontre nationale :
- Comités nationaux socioprofessionnels : 45 personnes (9 X 5)
- Groupes thématiques nationaux : 55 à 60 personnes (11 ou 12 X 5)
- Délégués des régions : 27 personnes (3 X 9)
Durée de la rencontre nationale : 2 jours, (1 jour pour les rencontres thématiques, socioprofessionnels nationaux et 1 jour pour la rencontre nationale)
Les rencontres socioprofessionnelles et thématiques auront chacune un modérateur et deux rapporteurs. La rencontre nationale aura un modérateur et 2 rapporteurs.
Parmi tous ces rapporteurs seront désignés un rapporteur général et deux assistant qui vont rédiger le document national.